Sahel : le régime des précipitations s’est intensifié au cours des 20 dernières années
Après 30 années de sécheresse généralisée sur le Sahel, la première décennie du XXIième siècle a vu une reprise de la pluviométrie sur sa partie centrale (sans pour autant revenir aux conditions des années 1950-1969), alors que la sécheresse a continué à sévir sur le Sahel Ouest (Fig. 1 ci-contre). Dans le même temps les inondations à fort impact socio-économique ont été bien plus fréquentes qu’au cours des décennies précédentes, ce qui amène à s’interroger sur la possibilité d’un changement du régime pluviométrique.
La figure 2 ci-contre met en évidence une différence nette dans l’évolution multi-décennale des totaux annuels (courbe bleue) et des maxima journaliers annuels sur le Sahel Central depuis 1950. Alors que les totaux annuels restent largement déficitaires par rapport à la moyenne de la période humide 1950-1970, la moyenne glissante des maximas annuels affiche des valeurs supérieures à ce qu’elles étaient sur 1950-1970.Les deux courbes se différencient nettement à partir de la fin des années 1990. Ceci laisse à penser qu’un changement important du régime pluviométrique s’est produit au tournant du siècle, les extrêmes pluviométriques devenant plus marqués, un résultat anticipé par la théorie de l’intensification du cycle hydrologique du fait de l’augmentation des températures atmosphériques.
Les courbes précédentes sont obtenues à partir des données de 43 stations répartis sur le quadrilatère 10°N - 15°N ; 5°W - 7°E, soit pour chaque année un échantillon de 43 totaux annuels et de 43 maxima annuels. Pour étoffer l’échantillon des pluies fortes, on sélectionne sur la base d’un modèle statistique d’extrême régional, le seuil de pluie qui est dépassé en moyenne n fois chaque année sur la période 1950-2010 pour chacune des 43 stations (n variant de 2 à 15). Des distributions de Pareto Généralisée (GPD) sont ensuite ajustées chaque année à cet échantillon plus fourni (pour n= 10, l’échantillon annuel est de 430 valeurs). On peut alors étudier l’évolution des quantiles des distributions obtenues pour différentes valeurs de n. Deux résultats majeurs se dégagent, illustrés par les figures 3a et 3b ci-dessous. Tout d’abord le nombre d’événements annuels dépassant le seuil de pluie (paramètre de localisation de la GPD) reste inférieur à ce qu’il a été lors des années 1950 et 1960 (Fig. 3a, exemple pour l’échantillon des 10 plus fortes valeurs annuelles), sauf pour n=2, où l’on atteint ces dernières années le même niveau que durant les années 1950. Par contre, la contribution de ces pluies au total annuel a augmenté significativement dès lors que l’on considère des seuils élevés (Fig. 3b). Alors que le nombre d’événements pluvieux reste déficitaire, ce qui caractérise la dernière décennie c’est donc l’occurrence de quelques pluies extrêmes plus intenses que par le passé.
La persistance d’un déficit du nombre de jours pluvieux, associée à l’apparition de maxima pluviométriques plus forts qu’auparavant est typique d’un climat plus extrême correspondant à une intensification du cycle hydrologique. Ce travail est en cours d’extension à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, l’obstacle principal résidant dans la difficulté à collecter les données appropriées.
Panthou, G., T. Vischel, and T. Lebel, 2014 : Recent trends in the regime of extreme rainfall in the Central Sahel. International Journal of Climatology, doi:10.1002/joc.3984
Mis à jour le 5 janvier 2022